Alain JUGE : Contribution sur les fusées à eau
Il s'agit en fait du "moteur" de la fusée puisque par principe, une fusée à eau tient son énergie du gaz comprimé dans son réservoir. Celui-ci doit donc, bien sûr, tenir la pression que l'on veut y mettre.
Nous l'avons vu dans la page "Matériaux", les bouteilles en PET des boissons gazeuses sont très largement utilisées comme réservoir. Mais, couramment, nous ne trouvons que des bouteilles de 2 litres maximum, donc si nous voulons réaliser des fusées plus performantes, il va falloir trouver d'autres solutions.
Pour avoir des fusées plus performantes, il faut augmenter l'énergie emmagasinée, donc augmenter soit le volume de gaz, soit la pression, soit encore les deux.
Pour augmenter le volume, on peut imaginer d'assembler plusieurs bouteilles pour obtenir un plus grand volume. Nous allons voir celà plus loin.
Pour augmenter la pression, il faudra utiliser un réservoir capable de tenir la pression que l'on souhaite y mettre. Rappellons qu'une bouteille de PET impécable, peut tenir jusqu'à 10 bars. Au delà on prend de sérieux risques, même si on sait qu'elles explosent autour de 13 bars.
Enfin, nous verrons qu'il existe un autre matériau qui permet de réaliser des réservoirs interessants. Mais commençons par le commencement.
Il faut entendre par corps simple, un réservoir constitué par une seule bouteille. Celle-ci devra être exempte de toute marque de pliure, de rayure ou de choc. Il existe différentes contenances, les plus courantes étant : 0,5 l, 1l (attention toutefois au diamètre du goulot), 1,25 l (bouteilles d’eau gazeuse), 1,5l (les plus courantes) et 2l.
Sur ce corps lui-même, il n’y a pas grand-chose à faire si ce n’est enlever l’étiquette. Ce n’est pas indispensable, mais ça ne peut qu’améliorer les performances (poids moindre et meilleurs Cx). Selon les marques de boissons, les colles utilisées sont parfois difficiles à enlever. D’abord enlever le maximum de papier, en l’humidifiant et sans utiliser d’outils qui risqueraient d’abîmer la bouteille, puis enlever la colle à l’aide de White Spirit. Une fois toute la colle enlevée, laver à l’eau savonneuse puis rincer la bouteille.
Il est possible aussi de reformer le cul de la bouteille pour lui donner une forme plus aérodynamique. Pour cela, mettre en pression la bouteille à environ 3 bars, chauffer le cul, avec un sèche-cheveux ou un décapeur thermique par exemple, en répartissant bien la chauffe et en maintenant l'appareil à 20 cm environ de la bouteille. Le plastique va se ramollir et par la pression interne, le cul de la bouteille va prendre une forme sphérique. Prévoyez quelques essais infructueux avant de réussir cette manipulation !
Un corps multi-bouteilles est constitué de plusieurs bouteilles mises bout à bout pour accroître le volume d’eau et de gaz comprimé ; sans augmenter le diamètre. Il existe plusieurs possibilités de couplage, résumées dans le schéma ci-dessous.
Le montage « tête à tête » ne se justifie qu’au-delà de 2 bouteilles,
puisqu’il n’y a pas de « tuyère ». Il faut donc une troisième bouteille
(au moins) raccordée « cul à cul » avec l’une des 2.
Pour chacun de ces types de montage, il faut trouver le moyen de fixer les bouteilles entre elles de façon à ce que ce soit étanche même en pression.
Le raccordement des bouteilles peut se faire au moyen de tubes filetés du genre de ceux que l’on trouve pour les lampes de chevet.
Lorsqu’on utilise le cul de la bouteille, on aura intérêt à reformer celui-ci pour l’arrondir, comme indiqué ci-dessus.
Lorsqu’on utilise la tête de la bouteille, elle sera munie de son bouchon.
Il faudra alors percer au centre du cul de la bouteille ou au centre de son bouchon un trou de 10 mm.
Dans le couplage tête-à-tête, l’assemblage est facile, puisqu’il suffit de réunir 2 bouchons entre eux, on place un écrou à un bout du tube fileté, on met le joint. On enfile le tout dans le trou du premier bouchon (écrou à l’intérieur du bouchon), on met le deuxième bouchon, puis le joint et enfin l’écrou. On sert l’ensemble et on peut viser les bouteilles sur leur bouchon.
Dans le couplage Tête à cul, placer l’écrou et le joint sur le tube fileté, puis mettre l’ensemble sur un bâton de 8 mm de diamètre et de 40 cm de longueur au moins pour pouvoir mettre l’ensemble tube fileté, écrou et joint par l’intérieur de la bouteille. Placer alors la rondelle métallique puis le bouchon de la deuxième bouteille, ensuite mettre le joint et l’écrou puis serrer le tout.
La réalisation du couplage Cul à cul est plus sportive. Commencer comme ci-dessus en mettant un ensemble tube fileté, joint écrou par l’intérieur de la première bouteille puis mettre une rondelle métallique et un écrou que l’on serrera bien. Remettre un écrou, une rondelle métallique puis la deuxième bouteille. Jusque là tout va bien, maintenant il va falloir mettre le joint et l’écrou à l’intérieur de la seconde bouteille. Pour cela il faudra se construire un outillage composé d’un tube (en cuivre par exemple) de 10 mm de diamètre intérieur, dans lequel on fait passer un tube ou du rond de 10 mm de diamètre extérieur. On place alors l’écrou sur le rond et on le scotch sur le tube extérieur (attention de ne pas mettre de ruban adhésif sur la face qui va serrer, sinon on n’arrivera plus à l’enlever), on pose alors le joint au-dessus de l’écrou. On introduit le tout par le goulot de la seconde bouteille et on essaie de mettre le joint et l’écrou sur le tube fileté. Ça demande un peu de patience et de dextérité, mais on y arrive. Serrer l’écrou à l’extérieur de la bouteille et retirer l’ensemble tube et rond.
Ces trois types de couplage sont résumés par les schémas ci-dessous :
Enfin pour finir l’engin, découpez dans la partie médiane d’une bouteille un cylindre que vous placerez entre les deux bouteilles pour assurer une continuité du corps de la fusée.
Ce type de couplage a le mérite d’être assez facile à réaliser et plutôt fiable dès lors que l’on met un peu de soin à le réaliser. Cependant, le fait de réunir les deux réservoirs par un orifice plus petit que le goulot de la bouteille, fait perdre de la puissance à la fusée.
Pour pallier ce problème une autre technique consiste à assembler les bouteilles cul à cul mais en enlevant ceux-ci. Mais cette technique est beaucoup plus compliquée et la réussite n’est pas toujours au rendez-vous. Les bouteilles sont assemblées par collage avec une colle polyuréthane pour le bâtiment type Sikaflex 11 FC (Il existe d’autres marques). Ce type de colle est à utiliser impérativement avec des gants et à l’extérieur.
Voici le déroulement des opérations :
Après chauffage sur la plaque chauffante on obtient un bourrelet comme celui-ci. Pour qu'il soit bien régulier et surtout perpendiculaire à l'axe de la bouteille, j'utilise un "guide". Ce guide est réalisé avec du carton un peu épais que j'ai enroulé sur une bouteille gonflée à 3 bars. Ca fait donc un cylindre dans lequel une bouteille glisse aisement. Je pose ce guide, avec la bouteille dedans, sur la poele et tout en maintenant ce guide bien plaqué sur la poele, je fais tourner la bouteille pour avoir un bourrelet bien homogene.
Ici, nous avons une bouteille avec son bourrelet et le manchon. Celui-ci a été passé au papier de verre à l'intérieur.
Le manchon sur la bouteille. Normalement avant de faire cette opération, il faut passer un petit coup de papier de verre sur l'extérieur de la bouteille aussi, puis enduire d'une fine pellicule de colle l'intérieur du manchon sur la moitié de sa longueur. Maintenant on peut enfiler la bouteille dans le manchon, jusqu'à la moitié de la hauteur de ce dernier. Mais ce n'est pas forcement simple puisque le diametre intérieur du manchon est inférieur au diametre extérieur de la bouteille. Donc il va falloir y aller doucement pour ne pas froisser la bouteille.
Et voilà la moitié du travail de fait, le manchon est collé sur l'une des bouteille. Il va falloir maintenant mettre de la colle sur le bourrelet et à l'interieur du manchon, puis faire rentrer la deuxième bouteille préparée de la même manière que la première. Faire en sorte que les deux bourrelets soient bien en contact.
À vous d’imaginer d’autres techniques d’assemblage de bouteilles qui assurent étanchéité et tenue en pression et qui soient malgré tout faciles à réaliser.
Lorsqu’on a réalisé un tel assemblage de bouteilles, il est prudent de faire un test d’étanchéité et de tenue en pression. Ce serait dommage de construire une fusée complète pour se rendre compte sur l’aire de lancement que le réservoir fuit. Pour faire ce test, remplir complètement le réservoir d’eau, le fermer avec un bouchon de gonflage et mettre une pression de 1 bar supérieure à la pression de service prévue. Si vous voulez lancer à 5 bars, testez le réservoir à 6 bars.
Pourquoi remplir le réservoir d’eau ? Tout simplement parce que l’eau étant incompressible, si le réservoir cède sous la pression, il n’y aura pas de déflagration. Alors que s’il n’y a que de l’air dans le réservoir, lorsque celui-ci va céder, l’air va se détendre violemment projetant des morceaux de plastiques et surtout en faisant beaucoup de bruit ce qui peut être très dommageable pour les oreilles proches.
Il éxiste dans certains pays, notamment aux USA, des tubes en polycarbonates très fins (0,4 mm d'épaisseur) qui se placent autour des tubes néon pour éviter qu'en cas de casse, les morceaux de verre tombent n'importe où. Ces tubes généralement dénommés FTC comme Fluorescent Tube Cover éxistent en plusieurs dimensions, mais les plus appropriés pour les fusées à eau sont les T12 et T17 qui font respectivement 42 et 62 mm de diametre. Les T12 sont disponibles en 2 longueurs : 4 et 8 pieds soit 1,22m et 2,44 m. Les T17 ne sont disponibles qu'en 4 pieds.
Quelque soit le diametre, ces tubes sont des tubes, donc ouvert aux 2 extrémités. Il va donc falloir mettre un bouchon à une extrémité et une tuyère à l'autre. On peut très bien mettre deux goulots de chaque coté, l'un aura un bouchon (coté ogive) et l'autre non (tuyère). J'ai expérimenté plusieurs techniques que je vous livre ci-dessous :
Le principe consiste à couper une bouteille en deux, une partie pour faire la tuyere et l'autre pour le bouchon. Mais aucune bouteille n'ayant le diametre des tubes T12 ou T17, il faut les "reformer" pour les ajuster au diametre du tube.
Selon le diametre du tube, je prends soit des bouteilles de 33 cl (tubes T12), soit des bouteilles de 50 cl (tubes T17).
Tout d'abord, j'ai réalisé, sur un tour, des "mandrins" en bois qui me permettent de former la bouteille à la bonne dimension. Ces mandrins se composent de trois parties :
Mes bouteilles favorites pour ces réalisations sont les bouteilles de Badoit ou de Quezac, dont je découpe juste le cul et utilise tout le reste pour faire une extrémité.
Je positionne alors cette bouteille déculotée sur le mandrin, recouvert au moins sur le cylindre le plus grand d'une feuille de papier. Par ailleurs je place un chiffon humide sur le goulot pour éviter de le déformer. Sur la photo ci-contre, ni la feuille de papier, ni le chiffon ne sont en place.
Après quoi je chauffe la bouteille à l'aide d'un décapeur thermique, en prenant soin de chauffer le plus régulierement possible et en maintenant l'appareil à au moins 20 cm du plastique. Lorsque le plastique épouse parfaitement le cylindre de plus grand diametre, j'arrete de chauffer et je démoule. Pour cela, on voit que le mandrin dépasse d'1 cm environ du goulot. Ca aide bien pour le démoulage, en tapant dessus avec un maillet.
Il ne reste plus qu'à coller les deux extrémités dans le tube. Pour cela, la colle idéale est la PL Premium, mais on ne la trouve qu'aux états-unis et je n'ai trouvé aucun revendeur qui l'expédie en europe. Donc soit on connait quelqu'un aux états-unis qui veut bien l'acheter et l'envoyer, soit on connait quelqu'un qui va faire un voyage là-bas et qui pourra en ramener dans ses valises, soit on utilise une autre colle. Dans ce dernier cas, celle qui se rapproche le plus de la PL Premium est la Sikaflex 11 FC, qu'il est assez facile de trouver dans tous les magasins de bricolage. C'est une colle en tube comme pour les joints silicone et qui necessite l'usage d'un "pistolet", comme le montre la photo.
Passer au papier de verre l'interieur du tube et l'extérieur de l'extrémité pour les rendre un peu rugueux, mettre la colle à l'intérieur du tube et bien l'étaler sur toute la surface à encoller, mais sans excès. Enfoncer l'extrémité dans le tube et eventuellement enlever l'excès de colle, à l'intérieur du tube, avec un baton. Attendre au moins 24h avant la mise en pression.
Sur un tube T17, la tuyere est collée avec ici de la PL Premium. Notez le bourrelet de colle qui permet une bonne étanchéité.
Et le bouchon aussi est collé avec de la PL Premium.
Sur un tube T12, le bouchon et la tuyère sont réalisées à partir de bouteilles de Quezac de 33 cl. Ici la partie haut avec le bouchon sur le goulot, mais la partie basse qui constitue la tuyère est identique (au bouchon près).
Voila deux réservoirs, un T12 (en haut) et un T17 terminés.
Les tubes étant en polycarbonate, pourquoi ne pas faire des extrémités en polycarbonate aussi ?
L'intéret réside dans le collage. En effet, le polycarbonate se colle très bien avec du Chlorure de Méthylène. En fait on devrait dire se soude très bien parce que le Chlorure de Méthylène est un solvant pour le polycarbonate, donc en enduisant les 2 parties à coller avec du chlorure de méthylène, le polycarbonate se dissout en surface et redurcit quand le solvant s'est évaporé. Le Chlorure de Méthylène étant très volatile, le collage est quasi instantané. Il faut d'ailleurs faire très vite pour assembler les deux pièces, sous peine d'avoir un collage non uniforme avec risque de fuites, et c'est bien là la principale difficulté.
Bien entendu pour réaliser ces pièces en polycarbonate, il faut disposer d'un tour et de la matière première, un barreau de polycarbonate (qui n'est pas donné). J'ai donc réalisé des extrémités pour un tube T12, dont voici les plans :
Vous pouvez remarquer sur la tuyere, sur la partie haute, un double
décrochement. En effet pour pallier le problème de risque de fuite à
cause d'un collage non homogene avec le chlorure de méthylène, je fais
un double collage. Le plus à l'intérieur du tube je met de la SIKAFLEX
11 FC qui assure l'étanchéité et pour cela je lui laisse 0,5 mm entre la
tuyere et le tube. Par contre la partie en bout de tube fait exactement
le diametre interieur du tube (41 mm) et c'est cette partie qui sera
collée au chlorure de méthylène.
On retrouve évidemment le même principe sur la pièce du haut . DOnc une
partie usinée à 40 mm de diametre sur une longueur de 15 mm pour le
collage Sikaflex, puis une partie de 10 mm de long et de 41 mm de
diametre pour le collage au chlorure de méthylène puis une butée pour le
tube.
Sur le bouchon on a aussi 5 mm au diametre de 41 mm pour fixer la partie charge utile.
Sur la tuyere, on a tout en bas une colerette pour le système de retenue du lanceur.
Cette solution n'est pas très interessante, d'abord elle coute bien plus cher, ensuite elle est plus lourde et necessite un usinage sur un tour dont tout le monde ne dispose pas forcement. De plus le collage au chlorure de méthylène, s'il est très puissant, n'est pas très facile du fait de la très haute volatilité de ce produit (il s'évapore même de sa bouteille fermée), le temps d'enduire une partie à encoller, l'autre a déjà sêché.
Voici la photo d'un bouchon réalisé en polycarbonate. Le haut de ce bouchon est un peu différent du plan ci-contre pour s'adapter à la partie se trouvant au dessus.