Le vol

Calculs balistiques

Maintenant que l'on sait évaluer la poussée , il s'agit de calculer à quelle hauteur va monter cette fusée. Dans un premier temps, nous allons considérer que la fusée est lancée verticalement. Nous verrons plus tard les calculs avec un angle d'incidence au décollage.

On distingue 2 phases de vol :

  1. Phase de propulsion
  2. Phase de vol balistique

La phase de propulsion se répartit elle même en trois étapes :

  1. L'éjection du lanceur
  2. La propulsion "aqueuse"
  3. La propulsion "gazeuse"

Mais dans toute cette phase l'engin est soumis à trois forces :

La résultante de ces trois forces permet d'accélerer (ou déccélérer) la fusée. Le calcul de cette accélération est donné par la loi fondamentale de la dynamique ou seconde loi de Newton :

a = F/M

où a est l'accélération, M est la masse de la fusée et F la résultante des forces qui lui sont appliquées, à savoir F = P - Pf - R.

Vu comme cela le calcul parait simple, malheureusement, chacun des termes de cette équation change à chaque instant et les choses se compliquent très vite. Détaillons chacune des étapes.

L'éjection du lanceur

Cette étape n'a de sens que si l'engin est tiré à partir d'un lanceur comportant un tube qui rentre dans le goulot, comme celui que je décris dans ce site.

Ici la force de propulsion est donnée par la pression exercée sur le tube du lanceur. Aucune masse d'eau ou d'air n'est éjectée (même s'il y a une petite fuite entre le tube et la tuyère, on la négligera) donc la masse globale de la fusée reste constante. La seule chose qui change, c'est le volume alloué à l'air, puisque au fur et à mesure que la fusée monte sur le tube, celui-ci libère de la place.

Si le volume d'air augmente, cela signifie que la pression diminue. Le phénomène étant très rapide, on peut considérer que la détente est adiabatique (sans échange de chaleur avec l'extérieur) et par conséquent la relation pVgamma = constante s'applique (gamma étant la constante adiabatique, soit 1,4 pour l'air).

Soit p1 et V1 la pression et le volume au départ puis p2 et V2 la pression et le volume à la sortie du lanceur. On a alors p2 = p1*(V1/V2)gamma.

Le volume V2 à la sortie de la rampe est égal au volume de la bouteille moins le volume d'eau, alors que V1 = V2 - Vt où Vt est le volume du tube à l'intérieur de la fusée au départ. Si ce tube est de diamêtre d et de longueur L, Vt = pi*d2*L/4 donc

p2=p1*(1-(π*d2*L/4*V2))gamma.

Pour simplifier les calculs, nous allons considérer que la pression est constante et égal à la moyenne entre p1 et p2, pendant tout le trajet le long du tube de lancement et nous négligerons la résistance de l'air, dans ces conditions l'accélération est : a = F/M, avec F = ((p1+p2)/2)*s - M*g soit, si l'on remplace p2 par la valeur trouvée précédemment :

a= (p1(1+(1-(π*d2*L/4*V2))gamma)*(π*d2/4)-2*M*g)/2*M

Attention, ici c'est bien de la pression absolue dont il s'agit, donc la pression lue sur le manometre plus la pression atmospherique.

Partant de l'accélération, on a l'expression de la vitesse au temps t qui est v= a * t. On ne connait toutefois pas t, par contre on sait que l'accroissement d'altitude pendant un temps t et avec une accélération constante a est donnée par dh = 1/2 * a * t2. Or cet accroissement d'altitude n'est autre que la longueur du tube L. Donc t = racine(2*L/a) d'où l'on tire :

v = racine(L *(p1(1+(1-(π*d2*L/4*V2))gamma)*(π*d2/4)-2*M*g)/M)

Exemple numérique : Reprenons notre bouteille de 1,5 litre, qui avec ses ailerons, son cone et son systeme de récupération pèse 100g à vide. Remplissons la à 33% donc avec 0,5 L d'eau. Supposons le tube du lanceur de 20mm de diametre et de 20 cm de longueur.

La masse de cette fusée en charge sera M = Mf + Me + Ma où Mf = masse de la fusée à vide, Me = Masse d'eau et Ma = masse d'air. Celle-ci peut paraitre négligeable, mais on va voir que par rapport à la masse à vide de la fusée, cette masse n'est pas aussi négligeable que ça. On calcule donc cette masse grace à la formule : P*V = m*R*T où P est la pression, V le volume, m la masse, R la constante massique de l'air (286,91 J/kg°K) et T la température ambiante en ° Kelvin. Dans notre exemple et en supposant que la température soit de 27°C donc 300 °K, notre masse d'air sera de Ma = p1*V1/R*T soit

Ma = 709275 *(1-0,063)/(1000*286,9*300) = 7,7 g d'où la masse totale

M = 0,1 + 0,5 + 0,0077 = 0,6077 kg

on peut donc calculer la vitesse v = racine(0,2* ((709275*(1+(1-(6,3*102))1,4)*(3,14*10-4)-2*0,6077*9,81)/0,6077) = 11,7 m/s soit un peu plus de 42 Km/h. Au passage, on obtient une poussée moyenne de 213 N et une accélération de 340 m/s2 (soit 34 fois l'accélération de la pesanteur). La resistance de l'air à la sortie du tube est donc de R = K*S*v2, soit avec un coefficient K de 0,3 et une surface de 3,14*0,0882/4 = 0,006 m2 : R = 0,26 N ce qui est en effet négligeable devant la poussée de 213 N et la force de gravité M*g = 0,6077 * 9,81 = 5,96 N

La propulsion "aqueuse"

C'est toute la période ( très courte) pendant laquelle l'eau est éjectée.

Pendant cette phase, les forces en présence sont :

La relation a = F/M s'applique toujours, bien sûr, d'où :

a = dv/dt = (2*(p1-Patm)*s2 - M*g - K*Sf*v2) /M

Ici tout ou presque change en permanence, au fur et à mesure que l'eau est éjectée, la masse M de la fusée diminue (donc l'accélération et la vitesse augmentent) et le volume d'air augmente donc la pression p1 diminue et si la vitesse augmente alors la résistance de l'air augmente aussi.

La résolution de cette équation n'est pas simple du tout, elle est du type équation de Bernoulli (pas celui de tout à l'heure, mais son oncle Jacques <1654 - 1705>) ou de Riccati , et j'avoue ne plus savoir ni lequel des 2 types il s'agit ici, ni comment résoudre ce genre d'équation (si toutefois j'ai su le faire un jour...). Comme par ailleurs la puissance des ordinateurs fait qu'il est assez facile de résoudre ce probléme numériquement en faisant varier d'une faible valeur l'intervalle de temps entre chaque itération et en considérant qu'entre chaque intervalle, tout reste constant. Ce calcul numérique donne des résultats très satisfaisants et nombre d'amateurs éclairés ont réalisé des simulateurs tout à fait remarquables.

La propulsion "gazeuse"

Lorsque toute l'eau a été éjectée, il reste de l'air comprimée, un peu moins qu'au départ, qui en s'échappant va produire une poussée, certe moindre que précédemment mais néanmoins non négligeable.

La pression résultante, après éjection de l'eau, se calcule en considérant toujours que nous avons affaire à une détente adiabatique, mais nous n'avons plus affaire ici avec un fluide incompressible, il faut alors faire intervenir l'équation de Daniel Bernoulli généralisée. Mais là aussi, je rends les armes parce que ça dépasse mes compétences, alors je fais confiance aux résultats donnés par Bruce Berggren, en Novembre 97 sur une mail-list, qui dit que l'on peut considérer cette propulsion gazeuse comme une impulsion (equivalente à une quantité de mouvement) fournie à la fusée et qui va produire un accroissement de vitesse = impulsion/masse. La masse étant la valeur moyenne de l'engin pendant cette phase. Bruce nous donne la formule qui permet de calculer cette impulsion :

Imp = V*4050/racine(T1)*(p1/Patm-1)1,24

V est le volume total de la bouteille en m3, T1 et p1 sont respectivement la température en °K et la pression en Pa de l'air dans la bouteille au début de la détente gazeuse.

Pour calculer T1, puis p1 ensuite, nous faisons toujours l'hypothese que nous sommes dans un processus adiabatique ; Dans ces conditions, nous avons les relations :

T*V(gamma-1) = constante

p*V(gamma) = constante

Donc T1*V1(gamma-1) = T2*V2(gamma-1), si on considére V2 et T2 comme étant le volume et la température de l'air juste avant le décolage et V1 et T1 le volume et la température de l'air au début de cette phase de propulsion gazeuse, alors T1 = T2*(V2/V1)(gamma-1). Or V1 est égal au volume de la bouteille et V2 est V1 moins le volume d'eau. Si Cr est le coefficient de remplissage d'eau on a alors V2 = V1 * (1 - Cr), d'où

T1 = T2 * (1-Cr)(gamma - 1)

De la même façon on obtient la pression de l'air en début de phase propulsion gazeuse par :

p1 = p2 * (1-Cr)gamma

Exemple numérique : Reprenons les valeurs de nos exemples précédents, où l'on avait T2 = 300°K, Cr = 33%, p2 = 7 bars soit 709275 Pa (il s'agit de la pression absolue) et gamma = 1,4 pour l'air. Ce qui nous donne : T1 = 300*(1-0,33)0,4 = 255,6 °K (-17,4°C) et p1 = 709275 * (1-0,33)1,4 = 404873 Pa

d'où l'impulsion = 0,0015 * 4050 / racine (255,6)*(404873/101325 - 1)1,24 = 1,48 N*s

Reste à calculer l'accroissement de vitesse = impulsion/masse , on connait l'impulsion, reste à déterminer la masse moyenne de l'engin, c'est à dire la masse à vide plus la moitié de la masse de gaz éjecté pendant cette phase. Nous avons calculé précédemment la masse de gaz juste avant la phase de propulsion acqueuse, cette masse ne change pas pendant la phase de propulsion acqueuse puisque le gaz reste dans l'engin (tout au moins on en fait l'hypothèse). Calculons la masse de gaz en fin de propulsion gazeuse par le même principe que ci dessus : Ma = p*V/R*T avec ici p = Patm et V = volume de la bouteille, R = 286,91 J/kg°K, reste à calculer T. Pendant la phase de détente adiabatique, le volume reste constant et nous utiliserons donc la relation :

T * P((1-gamma)/gamma) = constante .

On peut donc en tirer T = T1 * (p1/Patm)((1-gamma)/gamma)

Exemple numérique : T = 255,6 * (404873/101325)((1-1,4)/1,4) = 172 °K ( -101 ° C ) donc la masse est de Ma = 101325 * 0,0015/286,91 * 172 = 0,0031 kg.

Nous avons vu précédemment que la masse d'air au décollage et donc aussi à la fin de la propulsion acqueuse était de 7,7 g (0,0077 kg) donc la masse moyenne d'air est de 5,4 g et celle de la fusée est alors de 105,4 g, en conséquence l'augmentation de vitesse due à l'expulsion de l'air résiduelle est de v = 1,48 / 0,1054 = 14 m/s ce qui n'est vraiment pas négligeable (plus de 50 km/h).

Phase de vol balistique

Dans cette phase, il n'y a plus de force de propulsion, l'engin, toujours soumis à son poids et à la résistance de l'air, va donc continuer sur sa lancée jusqu'à ce que sa vitesse soit nulle ( apogée), puis il va redescendre. Pendant la montée, le poids et la résistance de l'air vont se conjuguer pour décélérer la fusée alors qu'en phase de descente, la résistance de l'air va s'opposer au poids de la fusée.

La relation a = F/M s'applique toujours, bien sûr, d'où :

a = dv/dt = (- M*g - (|v|/v)*K*Sf*v2) /M

où (|v|/v) correspond au signe de la vitesse (si la vitesse est positive, sens de la montée, la résistance de l'air s'ajoute au poids, si la vitesse est négative, elle se retranche) donc la vitesse à l'instant t est égal à la vitesse à l'instant t-dt plus la variation due à l'accélération, soit : a*dt. La variation d'altitude est égale, quant'à elle, au produit de la vitesse moyenne pendant cette période par l'intervalle de temps dt :

dh = Vmoy*dt où Vmoy est égal à (Vt-1 + Vt)/2. Vt-1 étant la vitesse au temps t-1 et Vt étant la vitesse au temps t.

Là encore le calcul numérique nous permet de connaitre l'altitude atteinte, puis le temps de descente et la vitesse à l'impact au sol s'il n'y a pas de dispositif de freinage. On peut d'ailleurs introduire l'incidence de l'ouverture d'un parachute à la descente, sachant que cela provoque une augmentation du coefficient K (qui devient celui du parachute donc proche de 1) et de la surface Sf qui devient aussi celle du parachute.

Simulateur de vol

De nombreux amateurs de fusées à eau ont réalisé des programmes de simulation de vol. Je ne citerais que les principaux (à mes yeux) :